mercredi 23 juillet 2025

Présentation

Mon père Jacques Durand, n’était pas un homme de mots; il ne nous a pas laissé de journal personnel, ni d’écrits relatant des épisodes de sa vie. Par contre il nous a laissé trois mille négatifs, deux mille diapos en couleurs, ainsi qu’une vingtaine de films 8mm, qu’il a réalisés à toutes les étapes de sa vie.
Dès l’âge de 14 ans en 1925, il a eu accès à un appareil photo. Son premier film, il l’a réalisé en 1930 avec un appareil Pathé 9,5mm à manivelle. Ces films et photos ont capté des moments familiaux précieux, mais aussi plusieurs constituent des reportages inédits des évènements importants qui sont survenus de 1925 à 1975.
Dans la première partie de ces pages, je vais présenter un peu mieux l’homme qu’il a été, un homme né trois ans avant le début de la première des deux grandes guerres mondiales.
Dans la deuxième partie j’illustrerai comment il a de tout temps été fasciné par la technique. Il en a suivi les développements fulgurants, qui ont mené des premiers avions fragiles jusqu'aux fusées Saturne V avec lesquelles les hommes ont pu aller jusqu'à la lune. Il a fait, entre autres choses, des reportages photos de spectacles aériens et des grands ouvrages en construction.
Les techniques nouvelles qui sont apparues durant ces cinquante ans l’ont intéressé constamment. Il a été un abonné fidèle aux magazines Popular Science et Popular Mechanics. Pour certaines techniques, son intérêt ne se limitait pas à s’en informer; il cherchait aussi à les maitriser et à les appliquer dans leur entièreté. Ainsi pour la photographie, pour les nouveaux procédés de développement des films et des tirages imprimés, il a mis en application ces connaissances en construisant lui-même un agrandisseur photo, la pièce maitresse du petit labo photo qu’il a monté au sous-sol. Comme les fournitures coutaient relativement cher, les papiers photosensibles pour les agrandissements notamment, plusieurs images que j'ai numérisées n'avaient jamais vu le jour; elles étaient demeurées cachées dans les négatifs. Je vais placer sur ce site ses documents inédits les plus intéressants.


Il y avait peu de pièces de ses équipements pour lesquels il n’avait pas trouvé le moyen de les modifier pour en améliorer le fonctionnement. Par exemple bien des années avant que les appareils photos aient incorporé un dispositif de déclenchement retardé, mon père en avait créé un maison pour son appareil photo de l’époque.
Jacques Durand était un créatif, habile de ses mains disait-on à l’époque, mais en réalité habile avant tout de sa tête. À chaque problème, il trouvait sa solution; une solution originale qui germait dans son esprit inventif. Au premier temps libre, il dessinait une esquisse, puis un plan détaillé. Tôt le samedi matin, le premier moment de congé après sa semaine de travail, il descendait à son atelier au sous-sol. On percevait assez rapidement dans la maison les bruits et les odeurs de découpe du bois à la scie, de perçage de métal, etc.
Enfant je descendais moi aussi à l’atelier pour voir ce qu’il fabriquait. J’avais des consignes de me tenir à distance des outils coupants. Pour me tenir loin de tout risque, mon père m’a construit très tôt mon propre petit établi, pour que je m’occupe sans risques avec mes propres outils adaptés à mes petites mains. En sablant le petit morceau de bois que je souhaitais bientôt transformer en petit bateau, j’observais le travail de mon père.
J’ai dit que Jacques était un homme de peu de paroles; c’était encore plus vrai aussi quand il s’affairait à l’atelier. Occupé et bien centré sur la précision du travail en cours avec ses outils de découpe et de mesurage, ce n’était pas le moment de le déranger ou le distraire avec des paroles ou des histoires à raconter. Il ne nous commentait pas ce qu’il avait en tête et ce qu’il était en train de réaliser, tant qu’il n’était pas certain d’arriver au résultat final. Rarement il échouait même si parfois sans doute il a du modifier l’ouvrage en cours de réalisation pour arriver à un objet qui le satisfasse.
Quand c’était enfin terminé, il remontait de l’atelier et pouvait alors nous parler de l’objet qu’il tenait entre les mains et en quoi cette invention allait faciliter le travail de maman, le sien, ou encore parfois celui d’un d’entre nous les enfants. C’était toujours inédit, inventif, « ça n’existait pas dans les magasins ». Ce dernier élément était très souvent ce qui justifiait à ses yeux de fabriquer lui-même le maximum d’objets qu’on retrouvait dans notre maison : des meubles sur mesures, une planche à repasser qui se déployait d’elle-même d’une armoire, des systèmes de rangement inventifs dans nos chambres, etc.
Quand nos cousins cousines, nos amis du quartier venaient à la maison, nous étions toujours très prompts à leur montrer tout ce qui existait de spécial dans notre maison et qui n’existait pas chez eux.
La chute à linge 
Certaines de ces installations de mon père ont eu des usages qu’il n’avait pas imaginés. C’est le cas de la chute à linge. Comme dans bien des maisons le combiné laveuse-sécheuse était au sous-sol. Pour éliminer un étage à monter-descendre pour le lourd panier de linge sale (nous étions une maisonnée de huit personnes), Jacques a aménagé une chute à linge dissimulée au plancher de l’armoire à balais située dans un coin de la cuisine.
L’ouverture rectangulaire au plancher se prolongeait vers le sous-sol par un conduit en métal galvanisé. Le conduit long d’environ deux pieds s’incurvait légèrement à son extrémité pour que le linge que maman y jetait soit bien dirigé exactement vers le grand bac de réception huit pieds plus bas au sous-sol. C’était parfaitement installé et bien lisse pour qu’aucune pièce de linge ne puisse s'accrocher à une quelconque aspérité.
Ma grande sœur Maryse, qui était trois ans et demi plus âgée que moi, était la spécialiste des idées biscornues. J’ai vite embarqué dans sa suggestion qu’une glissade dans la chute à linge serait amusante. Je devais alors avoir quatre ans, donc avec un petit début de sagesse qui me faisait douter un peu de la sécurité de la chose; j'ai donc hésité à y aller. Ma petite sœur Lucette qui avait deux ans et demi a tout de suite répondu oui quand on lui a demandé si elle voulait y aller en premier. Pas trop consciente de son rôle de pilote d’essai, elle n’a pas du tout protesté quand je l’ai soulevée pour la placer dans l’ouverture les pieds en premier. Elle souriait amusée, on l’a lâchée. En deux secondes elle s’est retrouvée huit pieds plus bas dans le panier à linge.
Il y a eu un bref moment où tout enfant après un coup pareil a un doute et se demande s’il ne vient pas de commettre une grosse gaffe + punition à venir le cas échéant... Mais la petite voix enjouée de la cobaye nous est parvenue par l’ouverture de la chute à linge et elle a dit « encore ! ». J’ai glissé à mon tour en confirmant à Maryse que c’était une idée géniale. On a passé un bon dix minutes à ce manège Lucette et moi. Maryse un peu trop grande pour la taille du conduit n’a pas pu profiter de sa propre trouvaille.
On s’est bien amusés à ce manège à plusieurs reprises, toujours quand le champ était libre dans la maison, c’est-à-dire pas de surveillance à l’horizon. Nous avons constaté à l’occasion que c’était toujours mieux de vérifier avant que le panier de réception des corps était suffisamment rempli de linge, sinon on se faisait un peu mal. On a même été fiers de le faire essayer à quelques rares privilégiés parmi nos amis. Ils n’avaient pas ça chez eux, eux.

Le camping


Les vacances d’été de mon père duraient deux petites semaines bien précieuses. La famille partait alors parfois en voyage au loin, c’est-à-dire en Gaspésie, à Old Orchard ou encore au Nouveau-Brunswick par exemple. En dehors de cette période, la famille profitait de certains week-ends de l’été de juin à septembre pour participer à des rencontres de groupe du Camping Club du Canada (CCC). 
Jean-Paul Denis un des fondateurs du club Les Amis de la Nature et du Camping Club du Canada

Ce regroupement d’amateurs de plein air dérive d’un autre groupe plus ancien qui se nommait les Amis de la Nature. Le pilier de ces groupes était Jean-Paul Denis un fervent animateur qui initiait tous les autres aux sciences naturelles, à la spéléologie, à l’apprentissage de la survie en forêt.

Des excursions d’une journée étaient organisées par les Amis de la Nature au début des années cinquante. L’idée de faire du camping lors de ces rencontres pour prolonger la durée des excursions a plu rapidement à la majorité des membres et a suscité l’adhésion plus générale de plusieurs familles. Le camping était une nouveauté à cette époque au Québec et la disponibilité d’équipement de camping était limitée. Des Français installés au Canada ont fait découvrir la sophistication des équipements made in France et ont contribué à l’essor du Camping Club.
Nos premiers essais en camping familial ont été au site du lac Ouareau, un terrain aménagé par un membre du CCC. Nous avions une tente en grosse toile jaune qui sentait l’huile (pour l’imperméabilisation). Elle était lourde mais facile à monter: des piquets pour ancrer
la base au sol, quatre baguettes pour créer l’armature carrée du toit et un poteau central qui supportait toute la tente. Chacun avait son rôle dans la mise en place et le montage de cette installation. Le poteau central était l'opération prestigieuse que tout le monde voulait faire, mais cela demandait l’effort combiné de deux enfants costauds ou d’un papa.

Mon père avait fabriqué lui-même certaines autres pièces de l’équipement : une « cuisine portable » qui était en fait une caisse de bois, ou petite armoire, qui contenait tout savamment fixé à l’intérieur: gamelles en aluminium, verres incassables, ustensiles, condiments et accessoires. Jacques avait fabriqué une table compacte avec deux panneaux en acier qui se refermait comme une valise mince. À l’intérieur se fixaient pour le transport quatre tabourets pliants en acier et toile, faits par Jacques à la dimension exacte pour leur rangement dans la table pliée. Cette table petite pesait une tonne pour nos bras d’enfants surtout que pour arriver au site du lac Ouareau entre le parking et le site pour les tentes il y avait un bon demi-mille de marche à transporter l’équipement. Plus tard, tout ce que fabriqua mon père pour le camping fut conçu avec des matériaux légers.
Par essai-erreur tout bon inventeur revoit et perfectionne son équipement. La table 2.0 est devenue bien plus grande et plus légère, les pieds et les chaises en aluminium plutôt qu'en acier.  La table elle-même servait de rangement pour tout l’équipement de camping; elle devenait un grand bac de rangement fixé sur le toit de la voiture (bien visible sur la photo ci-dessous).
Pour que tout cela tienne bien accroché sur la  Chevrolet deux tons, mon père a conçu et fabriqué sur mesure ce qu’on nomme aujourd’hui  galerie de voiture ; à l’époque on nommait cela un «rack sur le top». Certaines marques automobiles en proposaient dans des modèles de station-wagon, mais pas la Chevrolet sedan. Nous devions toujours faire attention en jouant dans l’entrée de garage à ne pas abimer les carrosseries des voitures avec nos pucks de hockey, nos frondes et nos flèches. Aussi quand j’ai vu mon père s’attaquer au toit de sa voiture avec une perceuse pour y faire quatre trous, j’ai été un peu estomaqué. Mais il savait s’y prendre; la galerie était le lendemain impeccablement fixée au toit. Papa nous a alors expliqué comment descendre avec la manivelle la boîte de camping suspendue par câbles et poulies juste au bon emplacement au-dessus de la voiture dans le garage.
Quand la voiture entrait dans le garage l’opération ressemblait à ce qu’on voit à la télé dans l’arrimage d’un Soyouz à la station spatiale; une balle rouge suspendue au plafond du garage servait de guide précis à l’opération. La voiture ralentissait progressivement pour que la balle vienne toucher le pare-brise en un point précis et mon père stoppait net la voiture. Quatre crochets suspendus à 4 câbles passant par 4 poulies fixées au plafond pouvaient alors être accrochés aux fixations des 4 coins de la lourde boîte. Les 4 câbles se terminaient en un seul, qui passait par une 5e poulie à l’angle du plafond et du mur. Il suffisait d’actionner la manivelle du mur pour soulever la boîte de camping. Partir le week-end suivant était aussi simple: on descendait la boîte, puis on détachait et on remontait les crochets.
Les photos les plus anciennes
Les plus anciens négatifs sont dans des formats divers, donc ils ont été pris par plusieurs appareils différents. En plus des photos de familles, Jacques s’est attaché a photographier des grands ouvrages, comme les ponts de Québec, le pont du Havre en construction, lequel a ensuite été nommé pont Jacques Cartier. Il y a fait une série de photos de la construction du tunnel maintenant disparu dans le virage au sommet de la courbe de la voie Camilien-Houde. 
Jacques était aussi très intéressé par tout ce qui se rapportait à l’aviation. L’exploit de Charles Lindberg complété le 21 mai 1927 a été pour la génération de mon père un évènement tout à fait extraordinaire qui a marqué tous les esprits. Quand un an plus tard (1ermai 1928) l’aérodrome permanent ouvre à St-Hubert et qu’il devient le 1er octobre 1928 la première route postale aérienne entre le Canada et les États-Unis, Jacques Durand accourt sur le site pour photographier les avions, les dignitaires et l’envolée du Ford Trimotor chargé de livrer la première cargaison postale de Montreal à New-York. En fait, la liaison au début se fait par un vol entre St-Hubert et Albany.
Le Ford Trimotor, à la pointe de la technologie en 1928
Les dignitaires le jour du vol inaugural le 1er octobre 1928 pour la liaison postale St-Hubert - N-Y.

Le premier film
Le film le plus ancien que j’ai retrouvé dans les archives de mon père date de 1930. C’est un film en noir et blanc dans un format 9,5 mm. Les perforations au centre du film rendaient ce format fragile aux rayures. La caméra et le projecteur fonctionnaient à manivelle. Mon père n’avait pas encore vingt ans en 1930, mais il avait déjà à cette époque un emploi régulier. J’ignore comment il s’est procuré cette caméra Pathé; par contre je sais qu’il a acheté le projecteur, car je l’ai moi-même utilisé jusque dans les années soixante. C’est plus récemment que j’ai numérisé le film qui est devenu bien trop sec et cassant pour le visionner avec le vieux projecteur.
Avec cette caméra, mon père a filmé ses parents, ses frères et sœurs, même une brève séquence où figure son grand-père paternel P-E. Durand. Les séquences les plus précieuses de ce film sont les scènes où il est allé le 1er août 1930 filmer le dirigeable R-100 qui après avoir traversé l’océan en moins de 4 jours est arrivé aux toutes nouvelles installations de l’aéroport de St-Hubert (on disait aérodrome à l'époque).  Il est monté dans un avion bi-plan De Haviland et il a filmé depuis cet avion le R-100 amarré à son mat d’ancrage. Vous pouvez visionner cet extrait du film en cliquant l'image ci-dessous:

C'est à ma connaissance la seule séquence animée montrant le dirigeable R-100 à St-Hubert, filmé depuis un avion en vol.

dimanche 20 juillet 2025

Les Amis de la Nature

Je cherche des documents relatifs au groupe nommé "Les Amis de la nature". Si vous avez des informations complémentaires à celle-ci, n'hésitez pas à communiquer avec moi (durand.marc#uqam.ca) ou encore en laissant un commentaire au bas de ces pages.

Hélène Denis (fille de J-P. Denis) m'a donné des informations très pertinentes dans un courriel que je place ci-dessous:

«Les amis de la nature» est un groupe d’adultes qui s’intéressaient, comme le nom l’indique, à la nature. Il s’est développé à partir des Cercles de Jeunes Naturalistes dont mon père, Jean-Paul Denis, a été proche. On a parlé au début d’un Cercle de Naturalistes Adultes, puis des Amis de la nature. Ces «Amis»… ont été fondés en 1945 (!) et le premier président est J-Edgar Guimond. Le 2e président a été mon père. Je n’ai pas l’année où il a été nommé, mais il l’était en 1949 où M.Guimond siège comme président ex-officio. Outre mon père, on mentionne Roméo Richard, comme VP, Roland Marion, trésorier, Florian Crête, directeur, Gérard Laurin, bibliothécaire, ainsi que des conseillers, Lucien Auger, Jean Naubert, Gaston Lespérance. Il y a aussi des membres honoraires, le Dr Georges Préfontaine, biologiste, le Dr Jacques Rousseau, directeur du Jardinbotanique, Serge Lefebvre, ichtyologiste, Claude Mélançon, naturaliste et auteur, et le Frère Adrien, CSV, ex-directeur général des CJN.

Le groupe s’intéresse aux thèmes suivants, mentionnés, plus une catégorie dite «générale» (?) :

   • animaux

    aquiculture

    astronomie

    biologie

    botanique

    géologie

    insectes

    météo

    musée

    oiseaux

    optique

    papillons

    photo

   • poissons

   • reptiles

   • spéléologie

La première publication «Les amis de la nature» parle de L’exploration au nord de l’Outaouais : mémoires d’une exploration au pays de Grenville dans les régions de Buckingham et de la caverne Laflèche. Ce premier numéro est «dédié respectueusement à Jacques Rousseau, ex-président de la Société canadienne d’Histoire naturelle et promoteur des cercles de Naturalistes Amateurs de la Province de Québec». Je me souviens aussi d’une visite, en 1947, chez nous, de M. Laflèche, propriétaire (je crois) de la caverne Laflèche. Comme j’avais 4 ans, ce monsieur très obèse, qui souffrait du cœur, ne pouvait dormir que dans un fauteuil, ce qui m’a beaucoup impressionnée. J’ai aussi un vague souvenir de mon père nous emmenant à cette caverne en famille l’année suivante parce que j’avais eu peur du noir dès l’entrée. D’où la fin de toute possible carrière de spéléologue pour moi.


Plus récemment j'ai trouvé un texte qui parle de la personne qui a réellement été le fondateur des Amis de la Nature en 1945: Joseph-Edgar Guimont. Le texte ci-dessous est tiré du Bulletin de la RASC, 1953 Vol 47, No.5, pp 203 à 206. RASC pour Royal Astronomical Society of Canada


Le 16 avril dernier, la Société canadienne d'Histoire naturelle clôturait une Exposition et un Congrès Internationaux de naturalistes au gymnase du Mont-Saint-Louis de Montréal. Au-delà de 75,000 visiteurs ont défilé devant les nombreux kiosques tandis que plus de 300 personnes suivaient les sessions du congrès. Dans toute son histoire, la S.C.H.N. vient de vivre les heures les plus glorieuses de sa vie. Pour tous les naturalistes, jeunes et moins jeunes, ces grandioses manifestations étaient le fruit du grain de sénevé mis en terre par le regretté frère Marie-Victorin, f.é.c., fondateur de cette société vingt-neuf ans auparavant.


Pour couronner ce congrès qui groupait les éducateurs à tous les degrés de l'enseignement ainsi que ceux qui se consacrent à l'éducation populaire, de salutaires résolutions étaient présentées par le président du comité nommé à cette fin. Et comme si le responsable de tout ce déploiement avait, de l'au-delà, voulu manifester sa joie, monsieur Jacques Rousseau, directeur du Jardin Botanique, annonçait ensuite la création d'une nouvelle décoration par la "Fondation Marie-Victorin", en plus de celle déjà existante pour les scientistes, cette fois pour honorer le naturaliste qui s'est distingué par ses travaux et son dévouement dans le domaine de la vulgarisa- tion scientifique. En l’occurence, les deux premiers récipiendaires de cette nouvelle médaille furent Soeur Marie-Jean-Eudes, s.s.a., et monsieur J.-Edgar Guimont. En gage d'hommage respectueux, nous nous permettons de brosser très succinctement la biographie de notre ami M. J.-E. Guimont, nouveau récipiendaire, qui s'est toujours dépensé sans restriction pour populariser les sciences naturelles, spécialement l'astronomie et la géologie.


  Origines

Monsieur Joseph-Edgar Guimont naquit le 17 mai 1892 à Cap St- Ignace dans le comté de Montmagny. De 1905 à 1910, notre récipiendaire fréquente le collège Sacré-Coeur de Longueuil (vieux collège). Là, il subit l'influence des frères Marie-Victorin et Rolland-Germain, f.é.c., qui plus tard feront rejaillir la renommée sur notre pays. Il est confrère de collège de Son Honneur M. Camilien Houde, aujourd'hui maire de Montréal. Il est aussi membre du cercle Lasalle de Longueuil (A.C.J.C.). Incontestablement, le frère Marie-Victorin découvre chez ce collégien une disposition marquée pour l'étude scientifique qu'il encouragera en dépit le l'incompréhension des parents de celui-ci. Durant son séjour à Longueuil, M. J.-E. Guimont trouve en la personne du frère Marie-Victorin un confident à qui révéler ses aspirations et ses ambitions dans la vie. Mieux que personne, il l'encourage en l'amenant herboriser avec lui. Dans ses excursions avec le frère, le fil de la conversation court sur les sujets les plus variés, mais toujours élevés. Pour répondre à son enthousiasme pour la science, le frère Marie-Victorin permet au jeune Guimont de l'accompagner souvent au laboratoire.


  Naissance de l'astronomie 

Le passage de la comète Halley en 1910 impressionne grandement notre adolescent de 18 ans sur l'immensité de l'univers et marque d'une façon décisive sa vocation pour l'astronomie. A partir de ce moment, tous ses loisirs seront consacrés à scruter le ciel pour lui dérober ses secrets. Davantage il maitrise l'astronomie, davantage il cherche. Plus tard, toutes ses activités seront dirigées vers la vulgarisation de l'astronomie dans le grand public.


  Ses activités 

Dès le 31 mai 1915, il devient membre titulaire de la Société Astronomique de France et durant la même année il publie de nombreux articles dans la revue de la Société de Géographie de Québec. A la même époque, il commence une correspondance assidue avec Camille Flammarion qui se prolongera jusqu’en 1925, année de sa mort. 


Le 12 décembre 1918, il devient membre du Royal Astronomical Society of Canada, centre anglais de Montréal. Coincidence providentielle, Mgr. C. P. Choquette de St-Hyacinthe, pionnier de l'astronomie populaire dans notre pays, lui sert de parrain pour la circonstance.


En reconnaissance de son magnifique travail et des observations qu'il lui transmet, la Société Astronomique de France le nomme membre perpétuel le 20 juin 1921.


Avec l'aide de quatre dévoués collègues, il fonde l'Institut Astronomique et Philosophique du Canada le 7 janvier 1926. Cette société, qui manifeste une belle vigueur, poursuit ses activités durant sept années consécutives.


En 1927, il alimente une chronique hebdomadaire sur l’astronomie dans le journal "Le Nord". Convaincu que trop peu des nôtres s'intéressent à cette science, il tente d'éveiller par tous les moyens la curiosité puis l'interêt des siens pour l'astronomie.


Gràce à ses conseils et à son enthousiasme, il assiste M. Paul H. Nad- eau, L. Sc., à fonder le Royal Astronomical Society of Canada, centre français de Québec, le 18 avril 1941.


De 1940 à 1945, il collabore largement aux "Propos Astronomiques" de M. De Lisle Garneau dans le journal "le Devoir". Occasionnellement, nombreux sont ses articles qui paraissent dans les publications ou journaux suivants: le bulletin "The Journal", organe du R.A.S.C.; le journal "L'Action Catholique" de Québec; les journaux "La Presse" et "La Patrie" de Montréal.


Le 7 décembre 1941, se fonde l'observatoire Ville-Marie à Montréal. Toujours avec le même dynamisme, il en est le co-fondateur avec M. De Lisle Barneau. Il s'ensuit une collaboration étroite pendant les cinq années qui suivent.


Cherchant toujours un terrain pour déverser le trop-plein de son activité débordante, il fonde avec deux collègues, le 8 janvier 1945, le cercle de naturalistes adultes "Les Amis de la Nature". Par la suite, cercle devient le plus actif parmi les cercles de naturalistes adultes. Sous les auspices de ce cercle, il organise, le 16 juillet 1945, la première soirée astronomique publique chez les canadiens-français de Montréal. Soirée réussie à tous ponts de vue qui attire plus de 3,000 personnes sur les terrains de l'Institution des Sourds-Muets.


Après la formation du centre français de Québec et l'existence du centre anglais de Montréal, il veut doter Montréal de son centre français. Toujours animé par le feu sacré de l'astronomie, il remédie à cet état de chose en dotant Montréal de son centre français, le 7 mai 1947, avec l'aide de quelques collaborateurs.


A la demande de la Commission Scolaire et du Conseil de Ville Lasalle, il organise la même année avec l'aide de quelques membres du centre français de Montréal du R.A.S.C., une soirée astronomique publique qui remporte un succès. Toujours à l'affût d'une idée nouvelle pour inciter les nôtres à s'intéresser aux sciences naturelles, il organise, le 11 février 1950, le premier congrès des géologues amateurs de la région de Montréal. Le 25 mai de la même année il organise une soirée astronomique publique au jardin Botanique de Montréal pour couronner les cours d'astronomie du frère Robert, f.é.c. 


  Ses observations

Depuis 1910, il s'est plu à observer les aurores boréales, les étoiles filantes, les éclipses de soleil et de lune ainsi que les taches solaires. Les principales planètes qui ont fait l'objet de ses observations sont: Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Son instrument de travail est une lunette Lancaster de 3X. Toujours conscient de l'utilité du travail de l'amateur pour la science, il a toujours transmis ses observations à la Société Astronomique de France, au Royal Astronomical Society of Canada à Toronto et à l'Université Harvard à Cambridge, E.U.


  Sa bibliothèque

Jusqu'en 1940, M. J.-E. Guimont avait réussi à se monter une bibliotheque personnelle d'au-delà de 3,000 volumes sans compter les publications, les journaux, les pamphlets, etc. À ce moment, elle comptait des volumes dans presque toutes les sphères du savoir pour assouvir cette soif de connaître qui l'a toujours caractérisé.


En plus il a compilé toutes ses observations, faites de 1910 à date, accompagnées de croquis ou de dessins lesquelles marchent simultanément avec ses mémoires qu'il a réussi à écrire malgré une vie remplie au possible. Il conserve aussi jalousement toute sa correspondance scientifique depuis 1910 qu'il relie toujours avec un plaisir renouvelé. 


A partir de 1916 jusqu'à nos jours, toutes ses expéditions scientifiques, ses reconnaissances géologiques et ses voyages sont écrits sous forme de récits de voyage et restent une preuve tangible de son activité fébrile. Pour occuper le peu de répit que pouvaient lui laisser ses activités si nombreuses et si variées, il s'est constitué une encyclopédie universelle comprenant au-delà de 30,000 articles pris dans les journaux, les revues et classées de A à Z. Simultanément, il a aussi monté une encyclopédie astronomique comprenant plus de 500 chemises aussi classées de A à Z.


  Ses adhésions 

Monsieur J.-E. Guimont est membre perpétuel de la Société Astronomique de France; membre des centres français et anglais du Royal Astronomical Society of Canada de Montréal; membre de la Société de Géographie de Montréal; membre à vie de la Société Canadienne d'Histoire Naturelle; membre-fondateur de "Les Amis de la Nature", C. N. A. 


Après l'évocation d'une vie si pleine d'activités, ne serait-il pas à propos que chacun de nous jette un regard rétrospectif sur sa contribution personnelle au mouvement scientifique au Canada français. Un très grand nombre des nôtres ont deploré et déplorent encore le si petit nombre de vocations scientifiques chez les canadiens-français. Continuellement, Monsieur J.-E. Guimont s'est fait un devoir d'éveiller les nôtres devant cette situation en multipliant les mouvements, spécialement en astronomie et en géologie. Nombre de fois ne s'est-il pas élevé contre l'apathie des nôtres devant l'expansion de notre province surtout dans le domaine minier. Devons-nous encore laisser les étrangers prendre les postes de commande dans ce développement? Quand verrons-nous nos jeunes s'intéresser davantage à nos richesses naturelles pour s'en faire une carrière? 


Toujours sur la brèche, notre récipiendaire ne s'est jamais départi de la mission qu'il s'est donnée de faire connaître et aimer notre nature canadienne si belle et si riche qu'elle fait l'envie des étrangers. Par ses articles et ses causeries, il s'est toujours évertué à faire naître chez ses compatriotes le désir de connaître. 


En appréciation de son magnifique travail de vulgarisation scientifique, la Fondation Marie-Victorin l'honore d'une de ses décorations. Nous nous joignons à tous les naturalistes pour y ajouter nos plus sincères félicitations.


Reprinted from Sciences et Aventures, July-August 1952.

Directeur des Cercles de Naturalistes Adultes.

Présentation

Mon père Jacques Durand, n’était pas un homme de mots; il ne nous a pas laissé de journal personnel, ni d’écrits relatant des épisodes de...